La Fable
A qui et à quoi faites-vous référence lorsque vous lisez le mot « fable » ?
Voici ce qu’il écrit : « Une morale nue apporte de l’ennui.
Le conte fait passer le précepte avec lui. »
Ces quelques éléments permettent de donner une définition de la fable :
Lisez la fable ci-dessous et répondez au questionnaire : Les animaux malades de la peste
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom),
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron ,
Faisait aux Animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : « Mes chers amis,
Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune.
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux ;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements .
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? nulle offense ;
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi ;
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon roi ;
Vos scrupules font voir votre délicatesse.
Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant, beaucoup d’honneur ;
Et quant au berger, l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire . »
Ainsi dit le Renard ; et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples Mâtins ,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance
Qu’en un pré de moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue ;
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. »
A ces mots, on cria haro sur le baudet.
Un Loup, quelque peu clerc , prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait. On le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
Questionnaire :
1. Quelles caractéristiques typiques de la fable décelez-vous dans ce texte ?
2. Le Lion : d’après son discours, quel sentiment a-t-il de sa personne ?
3. Quel type social représente le Renard ? Justifiez votre réponse en relevant les expressions significatives.
4. Pourquoi le narrateur regroupe-t-il les autres personnages de la cour en quatre vers ?
5. Le discours de l’Ane : citez tous les termes qui atténuent sa faute.
6. La Fontaine nous décrit la société du XVIIe siècle. Donnez ses caractéristiques.
7. Expliquez la morale de cette fable. Qu’en pensez-vous ? Est-elle toujours d’actualité ? Justifiez.
Voici une autre fable de LA FONTAINE. Elle s’intitule Le Loup et le Chien.
Un Loup n’avait que les os et la peau.
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l’eût fait volontiers
Mais il fallait livrer bataille,
Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc l’aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu’il admire.
« Il ne tiendra qu’à vous, beau sire,
D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères , et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d’assuré ; point de franche lippée
Tout à la pointe de l’épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. »
Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien : donner la chasse aux gens
Portant bâtons, et mendiants,
Flatter ceux du logis, à son maître complaire
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons
Os de poulets, os de pigeons ;
Sans parler de mainte caresse. »
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
« Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ! rien ? – Peu de chose.
- Mais encor ? – Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? – Pas toujours, mais qu’importe ?
- Il importe si bien que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor.
Répondez aux questions suivantes :
1. Sur quel sujet les deux personnages diffèrent-ils d’opinion ? Exprimez votre réponse en créant une antithèse.
2. A quel animal La Fontaine donne-t-il sa préférence ? Quels indices vous permettent-ils de l’affirmer ?
3. Ici, la morale n’est pas donnée en toutes lettres par La Fontaine : elle est …………………….
4. Quelle morale tireriez-vous de ce récit ? Rédigez-la en veillant à ce qu’elle
- s’accorde parfaitement avec le récit
- généralise la question (ne faites plus allusion aux animaux)
En tenant compte des éléments recueillis après la lecture de ces deux textes, vous pouvez rédiger une définition plus exacte de la fable.
La fable n’est pas née et ne s’est pas arrêtée avec La Fontaine. C’est un genre très ancien, puisqu’il est pratiqué depuis l’Antiquité, en Grèce (Esope, VIIe – VIe s. av.J.-C.) et à Rome (Phèdre,Ier s. av. et ap. J.-C.). Le Moyen Age s’est aussi inspiré de ces auteurs. Et les successeurs de La Fontaine nous réservent quelques surprises !
Voici différentes versions d’une des fables les plus connues : Le Corbeau et le Renard.
Vous étudierez la manière dont chaque auteur a personnalisé l’apologue.
Un corbeau tenait un fromage dans son bec. Un renard en sentit l’odeur, et s’avançant vers le corbeau : Que vois-je, lui dit-il d’un air surpris ? On m’avait fait entendre que votre plumage était noir. Hé, grand dieu ! celui d’un cygne n’est pas plus blanc. De grâce, seigneur corbeau, permettez que je vous contemple un moment tout à mon aise. Sans flatterie, vous me semblez si beau, que je ne puis me lasser de vous admirer. Mais, ajouta-t-il en adoucissant sa voix, je suis bien persuadé que la beauté n’est pas la seule perfection qui vous distingue. La nature, qui s’est plu à vous rendre le plus accompli de tous les oiseaux, vous a donné sans doute une voix divine ; et pour bien chanter, il n’est, j’en jurerais, dans nos bois, que vous et le rossignol. A ce discours, le corbeau, tout transporté d’aise, voulut faire connaître que le renard ne se trompait pas, et ouvrit le bec pour chanter ; mais en l’ouvrant, il laissa tomber sa proie ; et le renard, s’en saisissant, prit aussitôt congé du corbeau, aussi satisfait, disait-il en le raillant, de la bonté du fromage, que de la beauté de sa voix.
Ce corbeau que transporte une vanité folle,
S’aveugle et ne s’aperçoit point
Que pour mieux le duper, un flatteur le cajole :
Hommes, qui d’entre vous n’est corbeau sur ce point ?
Esope (texte de l’édition de 1801)
Esope, né esclave, difforme et condamné à mort, est un personnage légendaire plus que historique. Mais il est considéré comme le père de la Fable.
٭٭٭٭٭
Il arriva, et peut bien être,
Que par-devant une fenêtre
Qui en une réserve était,
Vola un corbeau. Il voyait
Des fromages qui s’y trouvaient
Et sur une claie ils gisaient.
Il en prit un et s’en alla.
Un renard vint. Le rencontra.
Du fromage, il eut un grand désir
En manger sa part à loisir.
Par ruse, il voulut essayer
Si le corbeau il peut tromper.
" Ah ! Seigneur, lui dit le goupil,
Comme cet oiseau est gentil !
Au monde n’est aucun oiseau
Que mes yeux ne virent si beau !
Si son chant est comme son corps,
Il est plus précieux que de l’or ! "
Le corbeau s’entend louangé,
Dire qu’il n’est pas égalé.
Il réfléchit qu’il chantera.
Pour chanter, son bien ne perdra.
Son bec ouvrit, et commença.
Le fromage lui échappa.
A terre, le laissa tomber,
Et le renard put l’attraper.
Puis ne se soucia plus du chant
Car du fromage eut son talent.
Moralité
C’est l’exemple des orgueilleux
Qui de grands prix sont désireux.
Par tromperie et par mentir,
On peut à leur gré les servir.
Leurs biens dépensent follement
Par fausse louange des gens.
Marie de France. (XIIeme siècle)
(Marie de France vécut au XIIe siècle, à la cour d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine. Elle est considérée comme la première poétesse française. Elle nous a laissé des Lais ( brefs poèmes narratifs) et un Isopet (recueil de fables ésopiques)).
٭٭٭٭٭
Tiécelin, le corbeau, vient tout droit au lieu où était sire Renard. Les voilà réunis à cette heure, Renard dessous, l’autre sur l’arbre. La seule différence c’est que l’un mange et l’autre baîlle. Le fromage est un peu mou ; Tiécelin y frappe de si grands coups, du bout du bec, qu’il l’entame. Malgré la dame qui tant l’injuria quand il le prit, il en mange, et du plus jaune et du plus tendre. Il frappe de grands coups, avec force ; à son insu, une miette tombe à terre, devant Renard qui l’aperçoit. Il connaît bien pareille bête et hoche la tête. Il se dresse pour mieux voir : il voit Tiécelin, perché là-haut, un de ses vieux compères, le bon fromage entre ses pattes. Familièrement, il l’interpelle : « Par les saints de Dieu, que vois-je là ? Est-ce vous, sire compère ? Bénie soit l’âme de votre père, sire Rohart, qui si bien sut chanter ! Maintes fois je l’ai entendu se vanter d’en avoir le prix en France. Vous-même, en votre enfance, vous vous y exerciez. Ne savez-vous donc plus vocaliser ? Chantez-moi un rotrouenge ! » Tiécelin entend la flatterie, ouvre le bec, et jette un cri. Et Renard dit : « Très bien ! Vous chantez mieux qu’autrefois. Encore, si vous le vouliez, vous iriez un ton plus haut. » L’autre, qui se croit habile chanteur, se met derechef à crier. « Dieu ! dit Renard, comme s’éclaire maintenant, comme s’épure votre voix ! Si vous vous priviez de noix, vous seriez le meilleur chanteur du monde. Chantez encore, une troisième fois ! »
L’autre crie à perdre haleine, sans se douter, pendant qu’il peine, que son pied droit se desserre ; et le fromage tombe à terre, tout droit devant les pieds de Renard.
Le Roman de Renart, Branche II.
( Cette oeuvre anonyme du XIIIe siècle relate, en récits (branches) indépendants, les aventures du goupil, Renart, et les péripéties de sa lutte contre ses ennemis, et surtout le loup Ysengrin.)
٭٭٭٭٭
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage:
"Hé! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois."
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s’en saisit, et dit: "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute:
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute."
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne n’y prendrait plus.
Jean de La Fontaine (1621-1695)
٭٭٭٭٭
Maître Corbeau, voyant Maître Renard
Qui mangeait un morceau de lard
Lui dit : " Que tiens-tu là, compère ?
Selon moi, C’est un mauvais plat.
Je te croyais le goût plus délicat.
Quand tu veux faire bonne chère,
T’en tenir à du lard ! Regarde ces canards,
Ces poulets qui fuient leur mère ;
Voilà le vrai gibier de messieurs les renards :
As-tu perdu ton antique prouesse ?
Je t’ai vu cependant jadis un maître escroc.
Crois-moi ; laisse ton lard ; ces poulets te font hoc,
Si tu veux employer le quart de ton adresse. "
Maître Renard ainsi flatté,
Comme un autre animal, sensible à la louange,
Quitte sa proie et prend le change.
Mais sa finesse et son agilité
Ne servirent de rien ; car la gent volatile
Trouva promptement un asile.
Notre renard retourne à son premier morceau.
Quelle fut sa surprise ! il voit Maître Corbeau
Mangeant le lard, perché sur un branchage ;
Et qui lui cria : " Mon ami,
A trompeur, trompeur et demi ! "
Henri Richer.( 1685 - 1748 )
(Avocat au parlement de Rouen, il " monta " à Paris où il devint vite célèbre en écrivant pour le théâtre. Il publia également plusieurs recueils de Fables.)
٭٭٭٭٭
Et pour terminer ce tour d’horizon , une adaptation en argot.
Le Corbac et le Rocneau
Un pignouf de corbac, sur un touffu, paumé,
S’envoyait par la tronche, un coulant barraqué.
Un goupillé d’rocneau qui n’avait pas clappé,
Se radina lousdé pour le baratiner :
" Hé ! Mon pote le corbac,
Je n’avais pas gaffé que t’étais si chouette
Et si bien baraqué.
Si tu pousses ta gueulante aussi bien que t’es fringué,
T’es l’caïd des mecs de ce bled ! "
Le corbac, pas mariole,
Lui lâcha le coulant sur la fiole.
Moralité :
Chacun, dans son louinqué,
S’il veut rester peinard,
Doit fermer son clapet
Devant les combinards.
Jean de la Pisseuse.
Version argotique connue depuis fort longtemps dont on ne connaît malheureusement pas le créateur.
Voici quatre versions d’une autre fable très connue : La Cigale et la Fourmi.
De la Fourmi et de la Cigale
La Fourmi faisait sécher son froment qui avait contracté quelque humidité pendant l'hiver. La Cigale mourant de faim, lui demanda quelques grains pour subvenir à sa nécessité dans la disette où elle se trouvait. La Fourmi lui répondit durement qu'elle devait songer à amasser pendant l'été pour avoir de quoi vivre pendant l'hiver. " Je ne suis point oisive durant l'été, répliqua la Cigale, je passe tout ce temps-là à chanter. - Oh bien, repartit la Fourmi, puisque cela est ainsi, je vous conseille de danser maintenant ; vous méritez bien de mourir de faim. "
« Cette fable montre qu’il ne faut pas être négligent en quoi que ce soit, si l’on veut éviter le chagrin et les dangers »
Esope La Cigale et la Fourmi
La Cigale, ayant chanté
Tout l'Eté,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'Oût1, foi d'animal,
Intérêt et principal2.
La Fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
" Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? J'en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant. "
La Fontaine
La Fourmi et la Cigale
La Fourmi, ayant stocké
Tout l'hiver
Se trouva fort encombrée
Quand le soleil fut venu :
Qui lui prendrait ces morceaux
De mouches ou de vermisseaux ?
Elle tenta de démarcher
Chez la Cigale sa voisine,
La poussant à s'acheter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison prochaine.
" Vous me paierez, lui dit-elle,
Après l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal. "
La Cigale n'est pas gourmande :
C'est là son moindre défaut.
" Que faisiez-vous au temps froid ?
Dit-elle à cette amasseuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je stockais, ne vous déplaise.
- Vous stockiez ? j'en suis fort aise ;
Eh bien ! soldez maintenant. "
Françoise Sagan
(romancière française 1935-2004 – devenue célèbre à dix-huit ans pour son premier roman Bonjour Tristesse) La Cigale et la Fourmi
La Cigale reine du hit-parade
Gazouilla durant tout l'été
Mais un jour ce fut la panade
Et elle n'eut plus rien à becqueter.
Quand se pointa l'horrible hiver
Elle n'avait pas même un sandwich,
À faire la manche dans l'courant d'air
La pauvre se caillait les miches.
La Fourmi qui était sa voisine
Avait de tout, même du caviar.
Malheureusement cette radine
Lui offrit même pas un carambar.
- Je vous paierai, dit la Cigale,
J'ai du blé sur un compte en Suisse.
L’autre lui dit : Z'aurez peau d'balle,
Tout en grignotant une saucisse.
- Que faisiez-vous l'été dernier ?
- Je chantais sans penser au pèze.
- Vous chantiez gratos, pauvre niaise
Eh bien guinchez maintenant !
Moralité :
Si tu veux vivre de chansons
Avec moins de bas que de hauts
N'oublie jamais cette leçon :
Il vaut mieux être imprésario !
Pierre Perret
Questionnaire
1. Quelle est la morale implicite de la fable de La Fontaine ?
2. La fable de Sagan : - qu’a-t-elle emprunté à La Fontaine ?
- comment a-t-elle actualisé le récit ?
3. Le texte de Perret : - comment a-t-il actualisé la fable ?
- comment comprenez-vous la morale ?
4. Les fables de Sagan , de Perret et de Richer sont des parodies : quelles sont les caractéristiques d’un texte parodique ?
Et La Ligue nationale contre le Cancer s’est également inspirée de cette fable pour nous mettre en garde contre les dangers du tabac… Vous écrirez les deux derniers vers.
La cigale, le tabac et la fourmi
La cigale, ayant fumé
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand le manque fut venu.
Pas un seul petit morceau
De clope ou de mégot.
Elle alla crier nicotine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelques tiges pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’Oût, foi d’animal,
Intérêt et principal.
La fourmi n’est pas fumeuse ;
Ce n’est point là un défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je fumais, ne vous déplaise.
…………………………………………..
………………………………………….
Si La Fontaine est le plus connu des fabulistes, d’autres écrivains se sont également illustrés dans le genre de la fable.
FLORIAN (1755-1794) « Le Charlatan »
Sur le Pont-Neuf, entouré de badauds,
un charlatan criait à pleine tête :
venez, messieurs, accourez faire emplette
du grand remède à tous les maux :
c’est une poudre admirable qui donne de l’esprit aux sots,
de l’honneur aux fripons, l’innocence aux coupables,
aux vieilles femmes des amants,
au vieillard amoureux une jeune maîtresse,
aux fous le prix de la sagesse,
et la science aux ignorants.
Avec ma poudre, il n’est rien dans la vie
dont bientôt on ne vienne à bout ;
par elle on obtient tout, on sait tout, on fait tout ;
c’est la grande encyclopédie.
Vite je m’approchai pour voir ce beau trésor…
c’était un peu de poudre d’or.
Moralité : …………………………………………………………………………………………..
Travaux d’écriture
Je caviarde une fable
Je choisis une fable et je supprime des mots… mais pas n’importe lesquels : le texte final doit avoir un sens. Le sens premier disparaît pour laisser place à un tout autre texte.
Je donne un titre à ce nouveau texte.
Je compose un centon
Dans la Rome Impériale on appelait centons les morceaux de tissus dépareillés que les légionnaires cousaient l’un à l’autre afin de se fabriquer un sous-vêtement qui leur tînt chaud l’hiver sous la cuirasse de métal.
Par analogie, on nomme centon un jeu littéraire qui consiste à composer un poème original en partant de vers empruntés à des poèmes différents.
En vous servant de quatre fables de La Fontaine, vous composerez un centon de douze vers.
Vous imaginerez un titre pour votre « patchwork ».
A qui et à quoi faites-vous référence lorsque vous lisez le mot « fable » ?
Voici ce qu’il écrit : « Une morale nue apporte de l’ennui.
Le conte fait passer le précepte avec lui. »
Ces quelques éléments permettent de donner une définition de la fable :
Lisez la fable ci-dessous et répondez au questionnaire : Les animaux malades de la peste
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom),
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron ,
Faisait aux Animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : « Mes chers amis,
Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune.
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux ;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements .
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? nulle offense ;
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi ;
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon roi ;
Vos scrupules font voir votre délicatesse.
Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant, beaucoup d’honneur ;
Et quant au berger, l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire . »
Ainsi dit le Renard ; et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples Mâtins ,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance
Qu’en un pré de moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue ;
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. »
A ces mots, on cria haro sur le baudet.
Un Loup, quelque peu clerc , prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait. On le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
Questionnaire :
1. Quelles caractéristiques typiques de la fable décelez-vous dans ce texte ?
2. Le Lion : d’après son discours, quel sentiment a-t-il de sa personne ?
3. Quel type social représente le Renard ? Justifiez votre réponse en relevant les expressions significatives.
4. Pourquoi le narrateur regroupe-t-il les autres personnages de la cour en quatre vers ?
5. Le discours de l’Ane : citez tous les termes qui atténuent sa faute.
6. La Fontaine nous décrit la société du XVIIe siècle. Donnez ses caractéristiques.
7. Expliquez la morale de cette fable. Qu’en pensez-vous ? Est-elle toujours d’actualité ? Justifiez.
Voici une autre fable de LA FONTAINE. Elle s’intitule Le Loup et le Chien.
Un Loup n’avait que les os et la peau.
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l’eût fait volontiers
Mais il fallait livrer bataille,
Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc l’aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu’il admire.
« Il ne tiendra qu’à vous, beau sire,
D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères , et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d’assuré ; point de franche lippée
Tout à la pointe de l’épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. »
Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien : donner la chasse aux gens
Portant bâtons, et mendiants,
Flatter ceux du logis, à son maître complaire
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons
Os de poulets, os de pigeons ;
Sans parler de mainte caresse. »
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
« Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ! rien ? – Peu de chose.
- Mais encor ? – Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? – Pas toujours, mais qu’importe ?
- Il importe si bien que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor.
Répondez aux questions suivantes :
1. Sur quel sujet les deux personnages diffèrent-ils d’opinion ? Exprimez votre réponse en créant une antithèse.
2. A quel animal La Fontaine donne-t-il sa préférence ? Quels indices vous permettent-ils de l’affirmer ?
3. Ici, la morale n’est pas donnée en toutes lettres par La Fontaine : elle est …………………….
4. Quelle morale tireriez-vous de ce récit ? Rédigez-la en veillant à ce qu’elle
- s’accorde parfaitement avec le récit
- généralise la question (ne faites plus allusion aux animaux)
En tenant compte des éléments recueillis après la lecture de ces deux textes, vous pouvez rédiger une définition plus exacte de la fable.
La fable n’est pas née et ne s’est pas arrêtée avec La Fontaine. C’est un genre très ancien, puisqu’il est pratiqué depuis l’Antiquité, en Grèce (Esope, VIIe – VIe s. av.J.-C.) et à Rome (Phèdre,Ier s. av. et ap. J.-C.). Le Moyen Age s’est aussi inspiré de ces auteurs. Et les successeurs de La Fontaine nous réservent quelques surprises !
Voici différentes versions d’une des fables les plus connues : Le Corbeau et le Renard.
Vous étudierez la manière dont chaque auteur a personnalisé l’apologue.
Un corbeau tenait un fromage dans son bec. Un renard en sentit l’odeur, et s’avançant vers le corbeau : Que vois-je, lui dit-il d’un air surpris ? On m’avait fait entendre que votre plumage était noir. Hé, grand dieu ! celui d’un cygne n’est pas plus blanc. De grâce, seigneur corbeau, permettez que je vous contemple un moment tout à mon aise. Sans flatterie, vous me semblez si beau, que je ne puis me lasser de vous admirer. Mais, ajouta-t-il en adoucissant sa voix, je suis bien persuadé que la beauté n’est pas la seule perfection qui vous distingue. La nature, qui s’est plu à vous rendre le plus accompli de tous les oiseaux, vous a donné sans doute une voix divine ; et pour bien chanter, il n’est, j’en jurerais, dans nos bois, que vous et le rossignol. A ce discours, le corbeau, tout transporté d’aise, voulut faire connaître que le renard ne se trompait pas, et ouvrit le bec pour chanter ; mais en l’ouvrant, il laissa tomber sa proie ; et le renard, s’en saisissant, prit aussitôt congé du corbeau, aussi satisfait, disait-il en le raillant, de la bonté du fromage, que de la beauté de sa voix.
Ce corbeau que transporte une vanité folle,
S’aveugle et ne s’aperçoit point
Que pour mieux le duper, un flatteur le cajole :
Hommes, qui d’entre vous n’est corbeau sur ce point ?
Esope (texte de l’édition de 1801)
Esope, né esclave, difforme et condamné à mort, est un personnage légendaire plus que historique. Mais il est considéré comme le père de la Fable.
٭٭٭٭٭
Il arriva, et peut bien être,
Que par-devant une fenêtre
Qui en une réserve était,
Vola un corbeau. Il voyait
Des fromages qui s’y trouvaient
Et sur une claie ils gisaient.
Il en prit un et s’en alla.
Un renard vint. Le rencontra.
Du fromage, il eut un grand désir
En manger sa part à loisir.
Par ruse, il voulut essayer
Si le corbeau il peut tromper.
" Ah ! Seigneur, lui dit le goupil,
Comme cet oiseau est gentil !
Au monde n’est aucun oiseau
Que mes yeux ne virent si beau !
Si son chant est comme son corps,
Il est plus précieux que de l’or ! "
Le corbeau s’entend louangé,
Dire qu’il n’est pas égalé.
Il réfléchit qu’il chantera.
Pour chanter, son bien ne perdra.
Son bec ouvrit, et commença.
Le fromage lui échappa.
A terre, le laissa tomber,
Et le renard put l’attraper.
Puis ne se soucia plus du chant
Car du fromage eut son talent.
Moralité
C’est l’exemple des orgueilleux
Qui de grands prix sont désireux.
Par tromperie et par mentir,
On peut à leur gré les servir.
Leurs biens dépensent follement
Par fausse louange des gens.
Marie de France. (XIIeme siècle)
(Marie de France vécut au XIIe siècle, à la cour d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine. Elle est considérée comme la première poétesse française. Elle nous a laissé des Lais ( brefs poèmes narratifs) et un Isopet (recueil de fables ésopiques)).
٭٭٭٭٭
Tiécelin, le corbeau, vient tout droit au lieu où était sire Renard. Les voilà réunis à cette heure, Renard dessous, l’autre sur l’arbre. La seule différence c’est que l’un mange et l’autre baîlle. Le fromage est un peu mou ; Tiécelin y frappe de si grands coups, du bout du bec, qu’il l’entame. Malgré la dame qui tant l’injuria quand il le prit, il en mange, et du plus jaune et du plus tendre. Il frappe de grands coups, avec force ; à son insu, une miette tombe à terre, devant Renard qui l’aperçoit. Il connaît bien pareille bête et hoche la tête. Il se dresse pour mieux voir : il voit Tiécelin, perché là-haut, un de ses vieux compères, le bon fromage entre ses pattes. Familièrement, il l’interpelle : « Par les saints de Dieu, que vois-je là ? Est-ce vous, sire compère ? Bénie soit l’âme de votre père, sire Rohart, qui si bien sut chanter ! Maintes fois je l’ai entendu se vanter d’en avoir le prix en France. Vous-même, en votre enfance, vous vous y exerciez. Ne savez-vous donc plus vocaliser ? Chantez-moi un rotrouenge ! » Tiécelin entend la flatterie, ouvre le bec, et jette un cri. Et Renard dit : « Très bien ! Vous chantez mieux qu’autrefois. Encore, si vous le vouliez, vous iriez un ton plus haut. » L’autre, qui se croit habile chanteur, se met derechef à crier. « Dieu ! dit Renard, comme s’éclaire maintenant, comme s’épure votre voix ! Si vous vous priviez de noix, vous seriez le meilleur chanteur du monde. Chantez encore, une troisième fois ! »
L’autre crie à perdre haleine, sans se douter, pendant qu’il peine, que son pied droit se desserre ; et le fromage tombe à terre, tout droit devant les pieds de Renard.
Le Roman de Renart, Branche II.
( Cette oeuvre anonyme du XIIIe siècle relate, en récits (branches) indépendants, les aventures du goupil, Renart, et les péripéties de sa lutte contre ses ennemis, et surtout le loup Ysengrin.)
٭٭٭٭٭
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage:
"Hé! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois."
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le renard s’en saisit, et dit: "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute:
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute."
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne n’y prendrait plus.
Jean de La Fontaine (1621-1695)
٭٭٭٭٭
Maître Corbeau, voyant Maître Renard
Qui mangeait un morceau de lard
Lui dit : " Que tiens-tu là, compère ?
Selon moi, C’est un mauvais plat.
Je te croyais le goût plus délicat.
Quand tu veux faire bonne chère,
T’en tenir à du lard ! Regarde ces canards,
Ces poulets qui fuient leur mère ;
Voilà le vrai gibier de messieurs les renards :
As-tu perdu ton antique prouesse ?
Je t’ai vu cependant jadis un maître escroc.
Crois-moi ; laisse ton lard ; ces poulets te font hoc,
Si tu veux employer le quart de ton adresse. "
Maître Renard ainsi flatté,
Comme un autre animal, sensible à la louange,
Quitte sa proie et prend le change.
Mais sa finesse et son agilité
Ne servirent de rien ; car la gent volatile
Trouva promptement un asile.
Notre renard retourne à son premier morceau.
Quelle fut sa surprise ! il voit Maître Corbeau
Mangeant le lard, perché sur un branchage ;
Et qui lui cria : " Mon ami,
A trompeur, trompeur et demi ! "
Henri Richer.( 1685 - 1748 )
(Avocat au parlement de Rouen, il " monta " à Paris où il devint vite célèbre en écrivant pour le théâtre. Il publia également plusieurs recueils de Fables.)
٭٭٭٭٭
Et pour terminer ce tour d’horizon , une adaptation en argot.
Le Corbac et le Rocneau
Un pignouf de corbac, sur un touffu, paumé,
S’envoyait par la tronche, un coulant barraqué.
Un goupillé d’rocneau qui n’avait pas clappé,
Se radina lousdé pour le baratiner :
" Hé ! Mon pote le corbac,
Je n’avais pas gaffé que t’étais si chouette
Et si bien baraqué.
Si tu pousses ta gueulante aussi bien que t’es fringué,
T’es l’caïd des mecs de ce bled ! "
Le corbac, pas mariole,
Lui lâcha le coulant sur la fiole.
Moralité :
Chacun, dans son louinqué,
S’il veut rester peinard,
Doit fermer son clapet
Devant les combinards.
Jean de la Pisseuse.
Version argotique connue depuis fort longtemps dont on ne connaît malheureusement pas le créateur.
Voici quatre versions d’une autre fable très connue : La Cigale et la Fourmi.
De la Fourmi et de la Cigale
La Fourmi faisait sécher son froment qui avait contracté quelque humidité pendant l'hiver. La Cigale mourant de faim, lui demanda quelques grains pour subvenir à sa nécessité dans la disette où elle se trouvait. La Fourmi lui répondit durement qu'elle devait songer à amasser pendant l'été pour avoir de quoi vivre pendant l'hiver. " Je ne suis point oisive durant l'été, répliqua la Cigale, je passe tout ce temps-là à chanter. - Oh bien, repartit la Fourmi, puisque cela est ainsi, je vous conseille de danser maintenant ; vous méritez bien de mourir de faim. "
« Cette fable montre qu’il ne faut pas être négligent en quoi que ce soit, si l’on veut éviter le chagrin et les dangers »
Esope La Cigale et la Fourmi
La Cigale, ayant chanté
Tout l'Eté,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'Oût1, foi d'animal,
Intérêt et principal2.
La Fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
" Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? J'en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant. "
La Fontaine
La Fourmi et la Cigale
La Fourmi, ayant stocké
Tout l'hiver
Se trouva fort encombrée
Quand le soleil fut venu :
Qui lui prendrait ces morceaux
De mouches ou de vermisseaux ?
Elle tenta de démarcher
Chez la Cigale sa voisine,
La poussant à s'acheter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison prochaine.
" Vous me paierez, lui dit-elle,
Après l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal. "
La Cigale n'est pas gourmande :
C'est là son moindre défaut.
" Que faisiez-vous au temps froid ?
Dit-elle à cette amasseuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je stockais, ne vous déplaise.
- Vous stockiez ? j'en suis fort aise ;
Eh bien ! soldez maintenant. "
Françoise Sagan
(romancière française 1935-2004 – devenue célèbre à dix-huit ans pour son premier roman Bonjour Tristesse) La Cigale et la Fourmi
La Cigale reine du hit-parade
Gazouilla durant tout l'été
Mais un jour ce fut la panade
Et elle n'eut plus rien à becqueter.
Quand se pointa l'horrible hiver
Elle n'avait pas même un sandwich,
À faire la manche dans l'courant d'air
La pauvre se caillait les miches.
La Fourmi qui était sa voisine
Avait de tout, même du caviar.
Malheureusement cette radine
Lui offrit même pas un carambar.
- Je vous paierai, dit la Cigale,
J'ai du blé sur un compte en Suisse.
L’autre lui dit : Z'aurez peau d'balle,
Tout en grignotant une saucisse.
- Que faisiez-vous l'été dernier ?
- Je chantais sans penser au pèze.
- Vous chantiez gratos, pauvre niaise
Eh bien guinchez maintenant !
Moralité :
Si tu veux vivre de chansons
Avec moins de bas que de hauts
N'oublie jamais cette leçon :
Il vaut mieux être imprésario !
Pierre Perret
Questionnaire
1. Quelle est la morale implicite de la fable de La Fontaine ?
2. La fable de Sagan : - qu’a-t-elle emprunté à La Fontaine ?
- comment a-t-elle actualisé le récit ?
3. Le texte de Perret : - comment a-t-il actualisé la fable ?
- comment comprenez-vous la morale ?
4. Les fables de Sagan , de Perret et de Richer sont des parodies : quelles sont les caractéristiques d’un texte parodique ?
Et La Ligue nationale contre le Cancer s’est également inspirée de cette fable pour nous mettre en garde contre les dangers du tabac… Vous écrirez les deux derniers vers.
La cigale, le tabac et la fourmi
La cigale, ayant fumé
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand le manque fut venu.
Pas un seul petit morceau
De clope ou de mégot.
Elle alla crier nicotine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelques tiges pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’Oût, foi d’animal,
Intérêt et principal.
La fourmi n’est pas fumeuse ;
Ce n’est point là un défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je fumais, ne vous déplaise.
…………………………………………..
………………………………………….
Si La Fontaine est le plus connu des fabulistes, d’autres écrivains se sont également illustrés dans le genre de la fable.
FLORIAN (1755-1794) « Le Charlatan »
Sur le Pont-Neuf, entouré de badauds,
un charlatan criait à pleine tête :
venez, messieurs, accourez faire emplette
du grand remède à tous les maux :
c’est une poudre admirable qui donne de l’esprit aux sots,
de l’honneur aux fripons, l’innocence aux coupables,
aux vieilles femmes des amants,
au vieillard amoureux une jeune maîtresse,
aux fous le prix de la sagesse,
et la science aux ignorants.
Avec ma poudre, il n’est rien dans la vie
dont bientôt on ne vienne à bout ;
par elle on obtient tout, on sait tout, on fait tout ;
c’est la grande encyclopédie.
Vite je m’approchai pour voir ce beau trésor…
c’était un peu de poudre d’or.
Moralité : …………………………………………………………………………………………..
Travaux d’écriture
Je caviarde une fable
Je choisis une fable et je supprime des mots… mais pas n’importe lesquels : le texte final doit avoir un sens. Le sens premier disparaît pour laisser place à un tout autre texte.
Je donne un titre à ce nouveau texte.
Je compose un centon
Dans la Rome Impériale on appelait centons les morceaux de tissus dépareillés que les légionnaires cousaient l’un à l’autre afin de se fabriquer un sous-vêtement qui leur tînt chaud l’hiver sous la cuirasse de métal.
Par analogie, on nomme centon un jeu littéraire qui consiste à composer un poème original en partant de vers empruntés à des poèmes différents.
En vous servant de quatre fables de La Fontaine, vous composerez un centon de douze vers.
Vous imaginerez un titre pour votre « patchwork ».